2.21.2009

ÊTRE EXT-RÊV-ME (extrait)

1. La plupart des transmissions de COUM naquirent des rêves. Rêves éveillés, rêves endormis, et parfois de visions spontanées de trance ou des extrapolations de rêves. Je croyais avec ferveur que les actions de COUM Transmissions devraient toujours s'efforcer d'être complètement arbitraires, en même temps qu'elles maintiendraient leur caractère original de rêve : être une exploration primale improvisée; un épanchement auto-confrontationnel; un croisement de tabous; et une manifestation physique spontanée, émotionnelle, et plus tard sexuelle, oscillant à l'extrême limite de la désintégration de l'information et de l'absurde.


C'était ainsi, que ma ligne de conduite déclarée pendant toutes les actions de COUM Transmissions dans les années 1969-1976 était de refuser d'arranger aucune documentation planifiée, formelle, ou d'aucune manière préconisée qui pourrait d'aucune manière travailler à compromettre le "rêve source". Mon intention était par ce moyen de construire un échange unique et hautement délibéré, pro-subjectif, expérimental, intégré à un échange perceptuel également pro-subjectif, "spécifique à la vue", entre le "transmédiateur" et l'observateur.

Ce que je souhaitais vraiment faire était d'atteindre et de libérer "l'objet du désir", dans au moins un de ses nombreux sens possibles, par la tradition de diffusion de documentation gratuite.

Ce fut principalement accompli en des termes de construction après-action à long terme; c'est, dans les traces photographiques restant après les événements qu'a été créé par cette stratégie consciente d'inclusion universelle de participation dans l'intermédiaire actif de la "mémoire" pour ceux que nous pouvons littéralement appeler des "passants".

J'imaginais, que par les moyens de l'application extensive de ce qui pourrait aisément être défini comme un autre aspect du hasard, un sacrilège fondamental évident du médium bi-dimensionnel s'ensuivrait; si puissamment chargé par la célébration brute de la maladresse qu'il engloutirait, violerait, et éviterait le processus prévisible de marchandisation de l'objet au sein du monde de l'art existant et le système fermé et tyrannique des galeries d'art.



 Cette approche me semblait, à cette époque, être en contradiction immédiate et positive avec la norme déjà établie du "marché de l'art" et son dilemme de concrétion créative tacite, accouplée incestueusement à son complice, la formularisation. De plus, je souhaitais totalement dégrader et pervertir à sa source la hierarchie innée, et effroyablement inévitable, et la connaissance auto-proclamée des critiques opiniâtres et sans talents; des marchands suffisants et affairistes; et leur participation intéressée en matière "d'art" en confrontant et circonvenant directement ce que je considérais comme une insistance au-delà de l'obsolessence de cette banalité forcée et mondaine grossièrement étiquetée "contexte historique de l'art".

Aucun projet à cette époque qui incluait des photos parfaites prévues, une série de documentation prévisible et des éditions limitées qui seraient vendues en et pour elles-mêmes, ne tenait absolument aucune place dans ma vision des choses. En fait, j'étais convaincu qu'ils seraient des obstacles importuns et des distractions.

Le fait que Coum Transmissions mettait constamment à exécution cette "menace", au lieu de la position plutôt vide consistant à suivre la mode du moment à la crédibilité creuse, comme la plupart des contemporains qui ne me ressemblaient pas, qui était à la fois de la vanité discriminatoire, et une consciente mais élégante friction, avec et sans les plus des critiques établies de cette époque particulière.

Trop peu des authentiques artistes colonisant l'idée de "performance" des années 70 et ses intérêts annoncés pour les recherches sur "la vie-comme-art" et "le corps-comme-art" crièrent suffisamment fort; protestant publiquement que l'exposé en temps réel de leur action ou de leur performance en elle-même était clairement pour eux le travail dans sa totalité. (Ils le font encore !) En privé de toute façon, ils révélaient cyniquement leur hypocrisie dominante et leur carrièrisme "artistique" démodé. Maintes et maintes fois souffrant une angoisse esthétique cachée et pitoyable tandis qu'ils chorégraphiaient laborieusement leurs "performances" en collaboration avec des photographes d'art hautement rémunérés afin de leur fournir la meilleure documentation-photo possible.

De telles "performances artistiques" contrefaites, "actions", "happenings", et spectacles étaient trompétés à grand renfort de polémique et de pompe par leurs auteurs dans les journaux et les catalogues comme des évolutions d'avant-garde contemporaine. Ensuite elles étaient validées par l'affirmation qu'elles étaient séparées de toute relation, et dénuées de tout respect ou de considération, envers le capitalisme du "monde de l'art".

Ah oui ! C'était de "l'art" enfin irrévocablement libéré d'absolument tout reste de considération qu'elle soit, implicite ou autrement, d'intérêt commercial.

Cette position de refus éphémère, mais à la mode, était réellement saisie, sans pitié comme encore une autre opportunité de succès et une autopromotion effrontée afin de diffuser des collections de musée onéreuses. Et avec ça vint une alliance factice d'artistes "nihilistes" avec des photographes en vue , assurant des séries très commerciales d'épreuves photos magnifiques et d'éditions graphiques pour les marchands; une moisson d'illustrations promotionnelles stylées pour des magazines et des catalogues (plus tard cela irait jusqu'à inclure des livres inspirés, textes et appréciations critiques indispensables).

Même formelles, les expositions rétrospectives dans des galeries de photos hautement prisées et aux prix très élevés comme travaux conceptuels valables en eux-mêmes devinrent un signe établi et un signe de l'établissement de cooptation qui continue jusqu'à maintenant en contradiction directe avec l'intention originale, bien que fabriquée.

Tout ce préambule historique est essentiel à une meilleure appréciation de l'intégrité unique des sources originales des images contenues dans ce livre; de l'importance du processus séminal qu'elles représentent implicitement; et du commentaire rétrospectif ironique qu'elles évoquent maintenant. Cette approche pourrait peut-être être dédéfi1nie plus complètement comme un nouveau moyen de "Précision Nostalgique".

Toutes les photographies des actions de COUM Transmissions dans ce livre furent prises par des étrangers qui choisirent pour eux-mêmes quels moments; quelles images; quels détails; même quelles traces à conserver pour plus tard. Ça, ils le firent pour leurs propres raisons arbitraires sans souci d'aucun souhait personnel de COUM de ce qui pourrait avoir été signifiant en termes d'évolution esthétique. COUM pouvait penser qu'une certaine image créée était unique et intensément vivante et découvrir plus tard qu'elle avait été ignorée ou négligée par les passants qui prenaient des photographies.

Donc c'était des gens totalement inconnus, qui avaient un appareil photo avec eux par chance ou par choix, qui étaient les premiers moyens de refuser le contrôle sur ce qui allait être conservé.

Puis, de ce groupe de gens déjà petit, c'était seulement ceux qui, de leur propre volonté, prirent le temps de trouver pour eux-mêmes l'adresse postale de COUM d'une manière ou d'une autre et puis effectivement de passer du temps, de la peine et d'envoyer à leurs frais leurs images à COUM qui devint le second moyen de refuser le contrôle sur ce qui était conservé.

Permettant par cet échange arbitraire de choisir le matériau des moyens de perception qui était, et est encore probablement, unique.

Je pense qu'il est ext-rêv-ment important d'avoir constamment en tète que toutes les photographies contenues dans ce livre furent envoyées originellement par la poste par une ou des personnes inconnues. Par des "passants".

Après réception de ces réminiscences occasionnelles non demandées une période d'assimilation pour MOI des matériaux donnés s'ensuivait. Souvent, ils étaient accrochés au mur près de mon bureau, et près de mon lit ainsi ils étaient en fin de compte imprimés sur ma rétine et dans ma mémoire par une vision répétée et une vision périphérique jusqu'à ce qu'ils entrent, une fois de plus, dans le contenu de mon sommeil, de mon réveil, et des autres rêves. Après cette contemplation et cette familiarisation, une technique concomitante d'excision laborieuse de détails des photographies initiales s'ensuivait.

Cette "ex-cision" pouvait prendre forme en re-photographiant les épreuves reçues ou des parties signifiantes particulières de celles-ci, dans ma propre chambre noire dans ma cuisine convertie chez moi. Cela pouvait prendre la forme d'un collage de différents éléments, l'exploration produisant des collisions et de très frappants échanges, non-rêvés.

Cette re-structuration d'images graphiques de "temps-pétrifié", de "moments gelés", je la percevais comme un épilogue correspondant à i'action originale. L'effet étant à peu près comme re-visiter un rêve hallucinatoire tandis que l'on est possédé d'une capacité à rendre la matière essentielle de ce rêve malléable et redéfinissable.

L'épilogue d'une action me permettant de "fixer" à la fois chimiquement dans la cuvette, et visuellement par le contenu affiné de l'image photographique en résultant, l'essence distillée de mon intention originale, ou du "rêve", comme il était apparu à travers l'acte rétrospectif d'illumination.

A travers chaque chose, la transmission et la réception gouvernaient à la fois les rêves sources privés qui devenaient des actions; les actions elles-mêmes alors qu'elles se défaisaient en public; l'accumulation de l'épilogue documentaire de chaque.

Dans chacune de ces trois étapes, je trouvais que mon rôle était bien plus celui d'un médium, plutôt que d'un artiste ou d'un intellectuel. J'étais clairement bien plus un réceptade à manifestation. J'étais devenu un médiateur entre le "rêve" et une construction de plus en plus échevelée de compromis consensuels communément appelée à tort "réalité".

2. Même si une action de COUM était transmise par un mâle biologique, dans la description cela pouvait souvent renvoyer à la fois à l'aspect mâle et à l'aspect femelle. Comme dans beaucoup d'actions de COUM, cette "ombre femelle" est souvent présente en tant qu'aspect égal et coumplémentaire du transmédiateur. Parfois mon MOI glissait entre des personnalités utilisant le costume et le langage corporel comme des signes de ce processus hermaphrodite. Parfois, un second transmédiateur, une femelle biologique, explorait simultanément "l'ombre femelle". "L'ombre mâle" coummençait à être visiblement solide quand elle était activée et, d'une certaine façon, de ce fait, elle était perçue intellectuellement par les observateurs comme une "réalité" physique. De la même façon, si mon MOI commutait la personnalité de "l'ombre femelle", cette activation aussi assumait une apparente corporalité. L'ensemble est toujours présent à chaque instant.

L'aspiration ou le but serait une ascendance hermaphrodite. Cette mutation semblerait être de plus en plus clairement inévitable et absolument nécessaire alors que le point de perception rétrospective est plus clairement défini et localisé.

3. Cher lecteur : Sachez que toutes les histoires, les descriptions, et les propositions contenues dans ce livre sont des paraboles et des métaphores. Après tout, rien de ceci ne pouvait être vrai, n'est-ce pas ?

4. Lisez, annotez, profitez, et renoncez intérieurement !

GENESIS P-ORRIDGE
14 février 1997


(the De-Icer - Wurzbourg 1979)

2.14.2009

Bing depliement

Donné rose à peine
un mètre invisible nu blanc
tout su dehors dedans achevé.
Plafond blanc
jamais vu
bing jadis
à peine presque jamais une seconde
sol blanc jamais vu
peut-être par là.
Bing jadis à peine
peut-être un sens
une nature une seconde presque jamais
bleu et blanc au vent
ça de mémoire plus jamais.
Faces blanches
sans traces
une seule rayonnante blanche à l'infini sinon su
que non.
Lumière chaleur
tout su tout blanc
coeur souffle sans son.
Tête boule bien haute yeux blancs fixe face vieux
bing murmure
dernier peut-être pas seul une seconde
oeil embu
noir et blanc mi-clos longs cils
suppliant
bing silence
hop achevé.
(Samuel Beckett, 1966)


(Image extraite de la vidéo "prototype de l'homme N&B" - 1976)